Aussi surprenant cela puisse paraître, les services des impôts ont le droit de vous adresser des notifications sur votre messagerie en ligne. Et ces prises de contact ont une valeur juridique. Sous réserve de respecter quelques conditions. En juin dernier, la cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision qui fait maintenant jurisprudence. L’affaire opposait le fisc à un couple. L’administration avait prévenu ces deux personnes d’un contrôle fiscal, sur les années 2013, 2014 et 2015. Et ce, avec un courriel envoyé le 20 octobre 2016.
Ce message contenait un lien URL, vers la plateforme Escale, gérée par la DGFiP. Le couple a bel et bien reçu cet e-mail. Les deux contribuables ont même cliqué sur le lien, pour se rendre sur la plateforme Escale et y télécharger un document. À savoir : une proposition de rectification transmise par les services des impôts. Aux yeux du couple, l’envoi d’une telle notification par voie électronique n’avait pas de valeur juridique. Or, en appel, le juge administratif ne leur a pas donné raison…
Impôts : la voie postale n’est pas la seule qui vaille
Comme beaucoup de gens, ces deux tourtereaux s’attendaient à ce que le fisc les informe via un courrier en recommandé, avec accusé de réception. Ils n’imaginaient pas qu’un simple mail puisse avoir la même fonction. Surtout à notre époque, où les arnaques par courriel pullulent. Et où certains escrocs n’hésitent pas à se faire passer pour les services d’impôts. Habituellement, on recommande aux contribuables de ne se fier qu’à leur espace personnel, sur le site impots.gouv. Or, l’administration n’est pas tenue d’envoyer des courriers papiers ou recommandés pour avertir les Français.
À explorer Arnaque Wangiri : pourquoi vous ne devez jamais rappeler ces numéros !
Un cadre juridique rappelé, en première instance, par le tribunal administratif de Melun.
« L’article L. 57 du livre des procédures fiscales prévoit seulement que ladite proposition est adressée aux contribuables, sans précision quant au mode de notification. », peut-on lire dans cette première décision, rendue en octobre 2022.
Avec tout de même une contrainte : le fisc doit pouvoir démontrer que les contribuables contactés ont bien reçu le courriel. En clair, les services d’impôts doivent fournir une preuve de la réception du message, pour que le contrôle fiscal soit légal. C’est là que l’affaire se gâte pour les deux contribuables. En effet, quand on envoie un email, on ne peut pas toujours avoir une trace, montrant qu’il a été lu. Or, la plateforme Escale a révélé que le couple avait bien cliqué sur le lien contenu dans le courriel. Avant de télécharger la fameuse proposition de rectification du fisc. Et ce, le 20 octobre 2016 à 20 h 52 précises. Mécontents, les deux contribuables ont porté l’affaire en appel. Mais la cour administrative a confirmé la décision du tribunal administratif de Melun.
« En l’absence de dispositions le lui imposant, il n’est pas fait obligation à l’administration de recourir exclusivement à l’envoi d’une proposition de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, si elle utilise d’autres voies, elle doit justifier de la notification de la proposition de rectification par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes. »
À savoir : si le couple avait ignoré ce mail ou n’avait pas cliqué sur le lien redirigeant vers Escale, l’administration n’aurait pas pu prouver la réception du message. Et la décision du juge n’aurait pas été la même. À ce stade, ces deux contribuables peuvent encore répliquer, en portant le litige en cassation devant le Conseil d’État. Affaire à suivre…